Une restauration exceptionnelle,

la restauration de l’éventail d’une reine qui a  posé de nombreux défis. 

Je reçois parfois de merveilleux trésors de notre patrimoine à restaurer dans l’atelier. Ce jour-là, j’ai accueilli un éventail encadré portant la mention « Queen Victoria’s Fan ». Quelques recherches m’ont permis de confirmer cette provenance prestigieuse.

Malheureusement, une fois retiré de son encadrement, les dégradations apparaissent. De nombreux brins en nacre blanche étaient brisés et la feuille était déchirée sur ses pourtours. 

Des contraintes budgétaires et un objectif à remplir:

La volonté du propriétaire de l’époque était de vendre son éventail replacé dans son encadrement. Il souhaitait une restauration minimaliste  permettant une bonne présentation de l’éventail. L’oeuvre avait déjà subi énormément de restaurations anciennes, de qualité variée mais majoritairement très douteuse.

Il a fallu que j’adapte mes interventions en fonction de ces contraintes inhabituelles, car leur retrait et remplacement auraient augmenté le devis de restauration. 

Mes interventions, réalisées au verso, ont donc été faites sans retouche illusionniste (finissions permettant de les rendre presqu’invisibles).

Les brins de nacre ont été renforcés avec des plaques fines de nacre blanche, identiques à celles utilisées pour le décor de l’éventail*. 

Exemple de renfort d’un brin brisé : 

         

Voici le panache du verso, invisible lorsque l’éventail est encadré. Il était également en morceaux, le voici restauré : On y découvre avec bonheur le Prince Albert, époux de la Reine Victoria, elle-même présente sur le panache avant de l’éventail. 

Restauration des pourtours des feuilles 

Les déchirures des feuilles se situent sur chaque pli du grand tour et du petit tour (extrémités haute et basse). J’ai réalisé un renfort des déchirures en ouvrant délicatement la bordure de l’éventail, et en y collant une fine bande de papier japonais. Une fois sa bordure « refermée », ces renforts sont complètement invisibles.

 

Cette technique permet aussi de replacer des éléments de la feuille qui ont été arrachés.

À Savoir : Tous les matériaux utilisés sont stables, neutres (ni acides, ni basiques) et compatibles avec ceux de l'oeuvre. Les colles sont réversibles. Ce sont les principes déontologiques de la restauration d'oeuvre d'art, quelle que soit la spécialité du professionnel concerné.  

Etapes finales de la restauration d’éventail

L’éventail présentait plusieurs zones abrasées et de la couleur avait disparu le long des déchirures de la feuille. J’ai donc terminé cette restauration par une retouche de peinture très fine sur ces zones, de façon à ce que l’oeil ne soit pas attiré sur ces anciennes dégradations.

L’éventail a été ensuite replacé dans son encadrement d’origine puis vendu.

Des moments exceptionnels

Pouvoir restaurer des oeuvres si belles et dont l’histoire s’inscrit dans notre patrimoine culturel est un vrai privilège. Je me sens infiniment chanceuse de pouvoir vivre ces moments, toujours un peu magiques. Je suis très heureuse de permettre à de nombreuses générations de profiter de ces chef-d’oeuvres, , grâce à ce métier que j’adore.

 

Merci à tous de votre confiance qui fait mon bonheur.

*Cette technique s’inspire du « Burgautage » qui consiste à placer une plaque de Burgau (nacre très irisée provenant d’un escargot de mer) au verso de brins très ajourés. La nacre apparaît au travers de ces reperçages, finissant merveilleusement le travail du brin grâce à ses jeux de lumière.